Omega Magazine Interview
au Amadeo Spahi (Omega Magazine, Autumn 1996)
Martyn Bates est à la croisée de tous les chemins. Il chante des chansons belles comme des matins de printemps où l’on se promène dans les sous-bois avec la rosée en caresse sur nos joues enfantines. Toujours sa voix s’élève au-dessus de nouvelles contrées. Elle résonne au plus profond des marais pour tourbillonner de plus belle en de multiples volutes et se faire plus éclatante, droite au milieu du ciel, là ou dansent les oiseaux au bord des tapis de nuages cotonneux. Le monde de Martyn Bates est chaud et brillant. Lui et Peter Becker taillent à vif dans un diamant trop pur pour nos yeux, peu habitués à tant de clarté et tant de beauté. Eyeless In Gaza est le masque guerrier. Leurs armes sont redoutables. L’une des voix les plus émotives qui soît. Fragile et forte comme l’iceberg. On porte l’émotion à son comble. La rage des premiers jours s’est métamorphosée en un équilibre (délicat) des forces en présence. Les souvenirs héroïques hantent les lieux. La forêt apparaît de suite plus magique. Le monde se fait plus lumineux quand autour le néant gronde.
Martyn, d’où viens-tu? J’ai lu que tu vivais dans une famille méthodiste et que tu avais grandi en écoutant de la << folk-music >> anglaise. Qu’est-ce que cela a représenté pour toi? Rétrospectivement qu’est-ce que tu peux me dire à propos de la période de ton enfance et en quoi cela a-t-il contribué à ta culture musicale?
Au départ, j’ai toujours vécu à Nuneaton dans les Midlands, en Angleterre. C’est une ville de marché dont l’histoire se rattache à celle de la mine. C’est une ville qui ne te mène nulle part. Un endroit où l’on vit, où l’on revient et qui peut t’occasionner des blessures.
J’ai grandi dans ma famille avec une grande soeur dont je n’ai jamais été très proche. Mon père et ma mère étaient tous deux méthodistes. Il n’y avait donc pas d’alcool ou de tabac à la maison. C’était une famille vraiment adorable mais assez turbulente. Ils n’avaient jamais peur de faire démonstration de leurs sentiments ce qui est quelque chose de profondément insupportable, et je veux dire épouvantable dans les deux sens.
Comme enfant, je crois que j’étais un peu précoce. J’avais tendance à m’intéresser au monde des esprits et celui de l’intellect bien plus que ne le faisaient les autres enfants. Ceci dit, à chaque printemps, je restais quand même dans la rue à détruire les papillons. Il y a une curieuse mixture dans tout ça.
J’ai toujours détesté l’école. Je ne me suis jamais bien senti à l’école. J’ai toujours été fasciné par l’information que l’on me procurait mais la socialisation … il n’y a aucun doute, c’est la loi de la jungle. Je détestais l’école.
Je détestais le sport. D’où je viens, il y a une division, une coupure très marquée. Soit on aime le football, soit on aime la musique. Si tu aimes le football, tu aimes détester les gens. Si tu aimes la musique, c’est que tu es beaucoup plus curieux envers les choses qui t’entourent. Mon père et ma mère n’étaient pas fan de musique. Je tiens cela d’un oncle très gentil; c’est lui qui, en définitive, m’a aidé dans mon développement musical et qui m’a emmené voir des gens comme Martin Carthy. Ce qui fut une grande expérience pour moi, de voir quelqu’un comme cela devant soi: tu pouvais voir son âme … se dévoiler … à toi … Etonnant.
Au départ, mon intérêt pour la << folk music >> a un rapport avec … le fait d’essayer de comprendre où on se trouve, comprendre là où on vit. Comprendre d’où on vient, qui sont ces personnes, pourquoi sont-elles comme elles sont … le diamant brut, tu comprends.
Comment es-tu venu à la musique? Etait-ce un chemin naturel pour toi?
En effet ce fut une pente naturelle. Parce que je me suis senti frappé d’ostracisme de la part de nombreuses façons de m’exprimer. J’ai toujours voulu faire de la musique pour vivre mais c’était une pensée inconcevable. C’était intolérable, c’était irréaliste. Par la suite, je n’ai commencé à faire de la musique sérieusement qu’à partir de l’âge de 20 ans, après avoir pataugé péniblement pendant quatre années et avoir travaillé au marché, fait des boulots qui ne mènent à rien. Maintenant je fais de la musique pour vivre depuis 1982. Je ne crois pas que je puisse faire autre chose parce que c’est la seule façon pour que je sois correctement heureux.
<< Migraine inducers >>: 1979. Qu’est-ce que tu peux nous raconter là-dessus? Est-ce que c’est (ou ce sera) disponible? Quelle importance la musique industrielle a-t-elle eu et continue-t-elle d’avoir? Peux-tu donner des noms et dire quelle importance ceux-ci ont eu pour toi?
Ce sera à nouveau disponible grâce à la compagnie italienne Musica Maxima Magnetica. A la fin de cette année, ce sera complètement remixé au studio Ambivalent Scale par Peter Becker et moi-même.
Qu’est-ce que je peux te dire à propos de cela?
C’est essentiellement et originellement sorti sur le label de cassettes d’Eyeless In Gaza: Ambivalent Scale. Il y eut seulement 50 à 60 copies. Je crois qu’il est très important que les gens soient conscients de cette facette de mon tout musical.
Ce qui est disponible fait partie de l’histoire de tout le mouvement industriel. C’est très inspiré par les premiers travaux de Throbbing Gristle, de Nurse With Wound et des gens comme ça. C’était vraiment une chose très excitante à faire car tu pouvais créer quelque chose qui soit totalement à toi et tu pouvais aller au-delà de toutes les frustrations. Tu n’avais pas besoin de la musicalité rock, et d’une certaine manière, je l’ai utilisé d’une façon << punk >>, un mot qui est devenu complètement exécrable maintenant.
<< Dissonance >> fut enregistré d’une manière très primitive sur un enregistreur cassette deux pistes, Griindig et puis réenregistré sur plusieurs platines cassettes. Au moment de sa sortie, il a reçu une très bonne critique sur le magazine de John Balance qui s’appelait Stabmental. Ce fut très chouette de sortir cela.
It y a d’autres trucs vraiment bien qui sont sortis à cette époque comme certaines des musiques plus expérimentales de Clock DV A, << Fragment no2 >> par exemple, qui était proche des cassettes expérimentales de cette période. Un travail très passionnant, minimal, complètement noir et blanc et tout à fait essentiel. Toutes ces choses devraient sortir ou ressortir, les gens devraient posséder ces musiques.
Il n’est sûrement pas très important de mettre en relation la musique d’Eyeless In Gaza ou ce que j’ai fait en solo musicalement avec la vieille scène industrielle. Je n’ai pas voulu être associé à cette soi-disante mouvance industrielle mais les gens ont toujours tendance à nous coller des étiquettes même d’une manière assez vague. C’est comme une sorte de fond romantique et industrialisé, je pense que cela a vraiment à voir avec l’esprit qu’il y avait autour de nous lorsqu’Eyeless In Gaza commença, un esprit qui est toujours présent.
Coil, Nurse With Wound, Current 93, ou même Legendary Pink Dots … C’est très étrange, ils ont presque tous fini par travailler avec World Serpent Distribution. C’est comme s’il n’y avait personne d’autre avec qui il est agréable de travailler dans ce domaine artistique, dans cette sorte d’atmosphère.
Et des groupes comme Eyeless In Gaza ou Current 93, tous ceux qui tournent autour de World Serpent, et qui maintenant existent depuis, 15 ans, 10, 12, 13 ou 14 ans ne vont pas s’en aller. Je pense que cela vient de la sincérité de nos intentions, on n’est pas là pour faire du fric, on ne fait pas de la musique comme une option de carrière à court terme. Nous en faisons vraiment parce que nous devons la faire, parce qu’elle doit sortir de nous, parce qu’elle est essentielle pour nous. Tout comme le fait de respirer. Si nous n’avions pas fait de musique, nous ne serions pas entier en tant qu’individu. C’est curieux comme plein de groupes à l’esprit clair continuent encore leurs projets, réalisent encore leur buts toujours changeants et leurs styles musicaux. C’est étonnant!
Ce qu’il y a avec Wor1d Serpent, c’est que tu es libre, tu fais exactement ce que tu as envie de faire. Tu leur donnes tes masters et ils s’occupent de la vente. Ils savent quoi faire. Ils savent ce que vous savez. Ils savent ce qui se passe. Il en ressort que vous avez de la compréhension et plein d’empathie là-bas. C’est rare.
La rencontre entre Peter Becker et Martyn Bates. J’ai pu trouver le même mot dans plusieurs interviews: << accident >>. C’est la façon avec laquelle tu sembles caractériser votre rencontre … Comment cela s’est-il réellement déroulé?
Oui, le mot << accident >> est celui qui me vient à l’esprit. Le mot accident et le mot hasard sont très proches de Peter Becker et de son art. C’est étrange. C’est très contradictoire pour lui d’être tant mêlé à ces mots. Car, tu comprends, il est le technicien d’Eyeless In Gaza. Il est celui qui fait tout dans le studio d’enregistrement. Sans lui, je ne connaitrais rien de son fonctionnement. Peter est celui qu’il faut pour cela. Il est celui qui fait tout marcher. Mais il est aussi celui pour qui le hasard et les accidents sont importants dans son travail et dans la musique d’Eyeless In Gaza.
Tandis que moi, je suis plus focalisé sur l’intuition. Mais une intuition qui viendrait après beaucoup de travail, un travail intense car il faut toujours revoir les paroles, la place des mots et l’ossature de base des mélodies. On s’occupe principalement de cela dans la mise en forme d’une chanson. Je n’ai jamais pensé mon énergie en termes d’accident ou de chance; c’est pourquoi c’est l’une des grandes tensions dans mon travail avec Peter: il ne me laissera pas contrôler les choses comme je l’entends, donc on obtient cet hybride bizarre avec laquelle je suis très heureux.
Martyn, tu as dit un jour: << J’étais si proche de Peter Becker émotionnellement, que c’était comme une sorte de mariage >>. Mais quel terme préfèreras-tu? L’amitié ou la collaboration (spécialement quand on pense à la courte pause que vous vous êtes offertes)? En 1988, tu disais que 6 ans était la durée de vie idéale pour un groupe. La chanson << Back from the rains >> semblait résumer tout ce que Peter et toi pensiez être ce que l’on peut rêver de mieux pour la musique. C’était comme: << éh bien, ça y est, nous l’avons fait, on peut arrêter le groupe maintenant. C’est le moment d’en finir. << Pourquoi as-tu senti le besoin ou la volonté de faire de la musique tout seul ou sans Peter? Et pourquoi reformer Eyeless In Gaza? Dans ta lettre d’infos, tu écris que vous vous êtes retrouvés lors de votre collaboration pour l’album << The law is an anagram of wealth >> d’Anne Clark. Etait-ce vraiment le début de votre reformation ? Car j’ai également lu que vous aviez commencé à rejouer ensemble quand Peter, après s’être retiré du business musical, était en train de fabriquer << fabulous library >> avec Elizabeth S. La principale question reste: la réunion d’Eyeless In Gaza. Que pensez-vous avoir encore à apporter?
Oui, cela ressemble encore à une sorte de mariage entre Peter et moi-même. Il s’agit d’amitié et de collaboration. Je ferais n’importe quoi pour Pete. Et je crois que je peux dire la même chose de lui.
Je ressens encore le besoin de faire de la musique en dehors de Eyeless In Gaza. J’ai tellement d’idées qu’elles ne peuvent être toutes contenues dans Eyeless In Gaza. Eyeless embrasse un nombre si important de domaines différents. Et pourtant j’ai toujours le besoin de faire plus et je veux toujours faire plus.
La situation dans laquelle je me trouve est une situation un peu embarrassante: tu as pris note de ce que j’ai dis en 1988 au sujet de << Back from the rains >>. << C’était la meilleure chose >>. Maintenant je ne pense plus cela, je pense que l’on en a parlé plusieurs fois. Particulièrement pendant les deux ou trois demières années. << Saw you in reminding pictures >>, << bitter apples >>, et << Streets I ran >>, c’est une musique bien meilleure que tout ce que nous avons fait jusque là. Et j’en suis bien plus heureux. Une partie de l’image toute entière a à voir avec le contrôle que nous possédons à présent car nous avons maintenant notre studio. Cela fait une sacrée différence. Tout est déjà prêt, nous n’avons pas besoin d’aller voir une compagnie, la tête asse, la casquette à la main, tout cela est tellement humiliant. Nous n’avons pas à faire cela. C’est bien.
Il est vrai que cela pourrait rendre certains artistes contents d’eux-mêmes et paresseux. Mais pour nous, il n’en est pas question. C’est justement l’inverse. Cela ressemble de plus en plus à un test à chaque fois. Je veux dire que tu dois avoir ces choses au premier plan dans ton esprit quand tu vas en studio pour travailler. C’est donc un combat toujours vivace. Plus que jamais. J’explore de plus en plus les choses qui ont vraiment de l’importance dans l’entier macrocosme se trouvant au-delà de la musique et je sais que je le fais avec Peter Becker pour Eyeless In Gaza.
Pour être totalement honnête, la véritable raison pour laquelle Eyeless In Gaza s’est reformé … . Eh bien, en fait c’est à cause d’une série d’accidents. En premier lieu, Pete voulait faire un album solo. Il était en train d’enregistrer avec Elizabet S. Et en fait il est parvenu à tous ces morceaux. Elizabeth composait les mélodies et chantait pour l’album de Pete. On m’avait demandé de participer et quelqu’un a suggéré que nous devions nous réunir et appeler cela Eyeless In Gaza. C’était accidentel. Mais la véritable raison qui m’a poussé à travailler, c’était encore cette expérience, le fait que l’abandon travaille avec voracité. Je suis tombé dans une acrimonie terrible en 1990 et j’étais mortellement blessé. Je me sentais très frustré de ne pas faire de la musique. Je devais revoir Pete encore une fois. C’était comme revenir à la maison, et cette maison était bienveillante. Pas une maison née d’une certaine suffisance et d’une certaine paresse. C’est la meilleure option possible pour moi, le meilleur de tous les mondes possibles. Cela a pris trois ans de peine. Retrouver Pete fut un véritable voyage à travers les flammes de l’Enfer, mais j’ai trouvé mon chemin.
Tu parles de << The law is an anagram of wealth >> sur lequel Pete et moi avons travaillé avec Anne Clark. Est-ce le véritable commencement de la reformation d’Eyeless In Gaza? Pas vraiment, parce que sur le demier disque que j’ai fait pour un label belge (Antler Subway), l’album << Stars come trembling >>, il y a un morceau intitulé << Soaking the glow of sight >> et Pete a coécrit cet air. Il se dépêcha de venir jouer sur ce morceau. Ce fut le véritable déclic de tout.
D’une certaine manière la musique d’Anne Clark est à l’opposé de la musique que j’ai composée seul sans Eyeless. Mais j’apprécie cela, c’est pourquoi j’aime travailler avec elle, car c’est bien de s’écarter du cadre normal dans lequel j’opère. Elle est exceptionnelle, elle est très originale. Tu sais, ce qu’elle fait est totalement distinct et unique. Et je l’admire tout spécialement parce qu’elle est forte dans un univers d’affaires masculines. Il semble que c’est toujours une affaire d’homme dans le domaine du business musical, c’est le pire des business dans lequel on puisse être impliqué.
Regarde juste la façon dont les autres business fonctionnent, celui-là est plein d’assassins et de menteurs. Donc je l’admire d’être capable de faire cela et de survivre dans ce milieu. Plus de pouvoir pour elle. << La question majeure reste: la réunion d’Eyeless In Gaza. Que penses-tu donc avoir encore à apporter ? >> . Je vois ce que tu veux dire. Au lieu de te répondre directement, je te soumets une question; et je te demande donc de me donner un groupe, au acte auxquels Eyeless In Gaza ressemblerait. Donne moi un nom. Donne m’en un. Et voilà la réponse à ta question. C’est ce que nous avons à apporter. Nous sommes uniques comme tout ce qu’Eyeless In Gaza peut faire.
(Rires) Je viens de lire << Pete s’est retiré du monde de la musique >>. Blablablablabla. Bon. Pete est encore et toujours quelqu’un de reclus. Il travaille dans le studio et je ne peux pas le forcer à sortir et à faire des concerts. J’essaierais peut-être dans les prochaines années. Je ne peux pas l’arracher à sa table de mixage. J’aimerais pourtant beaucoup que nous fassions quelques dates. Tout dépend de Peter. On verra.
Qu’est-ce que la musique représente pour toi aujourd’hui? Et qu’a-t-elle représenté à différentes époques de ta vie?
Je me sens très positif au sujet des nombreuses musiques qui sont produites de nos jours. Je n’aime pas les musiques commerciales qui se vendent en ce moment, à part Tricky et beaucoup de choses Triphop. Je peux apprécier tout ce qui possède un côté expérimental. Je suis toujours le même dans le sens où je n’ai pas de musique type. J’aime tout ce qui peut me donner quelque chose d’unique. Je n’ai pas besoin que cela soit du bruit atroce, que cela soit une musique faite d’un affreux bruit expérimental. Cela peut être seulement une personne qui chante tout le temps, tant que je ressens qu’il y a quelque chose d’unique qui viendrait du propre tempérament de la personne. Je suis très positif sur la scène musicale en général. Je déteste la pop anglaise et les autres merdes. Cela va sans dire. Mais en général j’aime les côtés expérimentaux dans de nombreuses musiques. Si tu regardes dans le magazine Wire ou UK Magazine, c’est plein d’expériences fascinantes. Maintenant la musique est ce que tu fais avec ce que tu as. La musique est ce que tu es et où tu es. Et il se passe que ma musique est un enfer, un cri, un sourire. C’est juste moi qui parle, moi et Peter Becker, cherchant des informations.
Est-ce que le résultat final est ce que tu avais dans la tête au départ? Ou bien est-ce. plutôt un coup de chance? Quel est le point de départ? Qu’est-ce qui te fait commencer? J’ai également lu que pour toi le premier jet était le meilleur. Mais commences-tu avec la mélodie et le reste vient après? Une chanson trouve-t-elle sa forme finale très rapidement ou est-ce un long travail de vous deux? Tu as parlé de spontanéité et de fraîcheur à tes débuts. N’y avait-il pas plus de réflexion dans tout ça? Est-ce que l’on peut dire que c’est toi qui arriva avec les mélodies et les paroles et que Peter est aux commandes pour assembler le tout? Ou bien peut-on dire que lui est plus classique dans son approche musicale? Qui apporte la dissonance?
Depuis que nous avons notre propre studio d’enregistrement je pense que nous tendons à l’utiliser de plus en plus. Cela peut-être très excitant en soi. Nous utilisons le studio d’une façon certainement plus poussée qu’avant. Nous commençons aussi tout à fait par hasard à utiliser beaucoup plus de cassettes qu’avant. C’est très prenant. Le processus de faire de la musique est saisissant. Ne nous voilons pas la face. C’est vraiment un incroyable privilège.
A la fois pour Peter et moi, la musique est en définitive une recherche entre nous deux. C’est une exploration. Nous ne sommes jamais tout à fait sûrs de la façon dont les choses tourneront. Ce qui est une bonne chose.
La spontanéité équivaut à la fraîcheur.
Personnellement, je ne veux pas, je ne rêverais pas de travailler avec des morceaux mis en séquence et en programme à nouveau. C’est pourquoi, l’album << Fabulous library >> qui a commencé à être l’album solo de Peter est tellement différent de ceux que nous avons déjà faits. Parce qu’il avait tout fait sur un ordinateur, du travail pré-programmé. C’est que ne peux simplement pas supporté d’être la seconde partie de cette lente et agonisante manière de faire la musique. Je suis encore un grand champion de l’instantanéité. Le moment … capturer le moment … . La première ou la deuxième prise. C’est encore la meilleure chose, la meilleure réponse. << First is the best >>.
Peter Becker apporte le hasard et les éléments accidentels dans notre tableau, nous apportons tous les deux la dissonance, nous apportons tous les deux la douceur, nous apportons tous les deux la mélodie, nous apportons tous les deux l’amour, nous apportons tous les deux la haine, nous apportons tous les deux nous-mêmes.
Est-ce que je peux dire que d’un côté nous avons des chansons, de bonnes chansons pop, toujours personnelles: et d’un autre côté, nous avons une recherche musicale et de l’expérimentation?
Oui, tout au long du chemin qu’à parcouru Eyeless In Gaza jusqu’à dans l’improvisation, c’est le côté << exploratoire >> de faire de la musique. Et je pense que c’est bon. En fait, il y a de la force dans cette faiblesse. Nous avons peut-être embarrassé de nombreuses personnes pendant toutes ces années en adoptant la nature changeante du caméléon. Tout au long de notre carrière, nous avons joué dans des festivals avantgardistes et pour des émissions dominicales pour les enfants. C’est bien, c’est bien. Je ne suis pas pour ces émissions de dimanche matin pour les enfants. Loin de là. Il y a quelque chose de bon dans la capacité de se sentir à l’aise dans ces situations. Je ne sais pas ce que c’est. Mais je suis sûr qu’il y a quelque chose de bon là-dedans.
Qu’est-ce que tu veux dire quand tu dis << Le processus d’écriture de chansons est un élément cathartique >> pour toi? Quels sont les démons que tu as à exorciser?
L’écriture de chansons est toujours la sève de ma vie. C’est toujours et encore le premier moyen que j’ai de m’exprimer. Si je ne pouvais pas avoir d’issue pour l’écriture de chansons, au-delà de la salle de travail, du studio, alors je continuerais à écrire. Mais, car il y a un mais. J’ai aussi besoin d’être capable d’amener cela plus loin car pour moi c’est une affirmation. Cela prouve que j’existe. C’est ce qui importe. Quand l’écris, je tente de percer les choses que je n’arrive pas à articuler au moyen de la parole. Je ne suis pas le plus grand orateur au monde. Je ne vois pas le monde de cette manière, je ne veux pas comprendre le monde comme cela, je ne veux pas être capable de m’asseoir ici et avoir un nombre de formules toutes faites pour chaque aspect de la psychologie et de la philosophie. Pour moi, ce serait une négation. Pour moi, ce n’est pas intéressant. Si je pensais que j’avais une formule pour quelque chose alors ce serait la mort. Parce que, où pourrais-tu aller? Où pourrais-tu aller en partant de cela?
Y a-t-il une différence (importante) entre la musique d’Eyeless In Gaza et celle de Martyn Bates en solo? Eyeless a connu de nombreux changements mais en même temps il a un style reconnaissable … à la différence de la musique de Martyn Bates qui n’est pas si différente entre chaque album (même si les dernières productions en solo apparaissent comme vraiment très spéciales, << Murder ballads >>, << Chamber music >> … )?
C’est très dur, très dur de différencier certaines musiques de Martyn Bates en solo avec celle d’Eyeless In Gaza. En fait, je n’essaierais pas de le faire. Si ce n’est après un très long travail. Evidemment, la musique que je fais seul est le résultat de mon propre impact. Pete n’est pas là et il se fait remarqué par son absence. Mais cela marche encore. C’est différent plus précieux, si tu veux. Peut-être que ce n’est pas le bon mot. C’est une chose plus précieuse que je communique à l’intérieur de mon propre travail. Je pense que le travail que je fais avec Eyeless est mieux simplement à cause de la richesse que Pete apporte de différentes manières. Mais parfois j’y suis parvenu, j’y suis réellement parvenu. Parfois je peux le faire mieux qu’Eyeless! Juste occasionnellement. (rires)
Au début, il y avait une rage, une violence dans la voix, une voix torturée, puis c’est devenu plus sage et plus calme. Le lyrisme semble moins blessé. Il y a bien eu une métamorphose, une transformation?
Oui. Je veux dire, quand le musique d’Eyeless In Gaza a commencé, c’était bien plus le côté << laisser le génie sortir de la lampe >>, << laisser toute la rage que j’ai en moi sortir à la surface >> . J’avais beaucoup d’hostilité, beaucoup de choses à exprimer pour ne pas mentionner cette hostilité. Juste des choses qui devaient sortir systématiquement. Et c’est vraiment sorti douloureusement, comme une éclaircie. Parce que j’étais terrifié de communiquer à travers la musique. On m’avait dit que … au départ … que je ne pourrais pas le faire. Cela n’était pas bien. Ce n’était pas ce qu’il fallait faire. C’était une activité futile. Comme on m’avait dit tout cela, quand j’ai fait de la musique, c’est sorti comme un cri de rage, de dégoût, un dégoût de soi … en fait, la plupart du temps, en y repensant … .
Et quand les gens ont commencé à écouter. J’ai réalisé que je pouvais le faire. Je pouvais faire de la musique, vivre de la manière que je voulais. Une partie de ma colère et de ma frustration moururent. Toute la manière dont je l’avais exprimée était morte … . Je voulais trouver une autre façon, une façon plus relaxe de m’exprimer.
Il y eut réellement une raison physique qui m’a obligè à arrêter de chanter à la manière des trois premiers albums d’Eyeless. Hurier, crier, étirer sa voix. Tout cela a fait que je me suis réveillé un matin avec du sang dans la bouche et le docteur m’a dit que je devais arrêter de chanter de la sorte. J’ai dû trouver d’autres méthodes de chant. Il y a donc naturellement une raison physique. Mais c’est deux choses qui marchent ensemble.
Le chant semble prévaloir sur les paroles. Tu dis avoir eu l’habitude de jouer avec les mots,chanter seulement le milieu des phrases. Même dans << Saw you in reminding pictures >>, tous les mots des paroles ne sont pas chantés. N’est-ce pas? Quelle est donc l’importance des mots pour toi ? Quelqu’un pourrait dire que tu es un artiste romantique qui laisse parler son coeur et son âme et qui regarde après ce qui s’est passé. Car tu as dit: << Les gens me demandent souvent quelle est la part de moi qui existe dans mes écrits. Et je me demande moi-même parfois qui est ce personnage. Moi-même je ne comprends pas la plupart des écrits (je ne veux pas dire que ce soit mythique). Il m’est difficile de m’identifier à ceux-ci. Je peux les regarder et dire: << Je ne suis pas comme ça, ce n’est pas moi. Je n’ai pas pu pensé cela … . >>
A ceux qui disent que Martyn Bates peut être critiqué pour la mélancolie rhapsodique de ce que fait Eyeless In Gaza, je serais d’accord avec toi quand tu dis: << en ce qui concerne ma mélancolie, les gens y voient une introspection comme si cela était nécessairement une mauvaise chose comme si la contemplation était une mauvaise chose. Ma musique n’a jamais peur d’être dépressive, contre la vie ou négative, même si elle peut évoquer cette humeur. Il y a de la beauté dans une chanson triste. >>
Mais j’ajouterais que dans tes écrits il y a une atmosphère autour du sens de la perte. Comme si tu savais que tout (le bonheur?) est fragile et que tout va très vite. Cela peut expliquer le sens de la musique: tu dois te dépêcher, tu n’as pas de temps à perdre, tu dois goûter le moment présent comme il vient. Et l’avenir n’est ni sombre ou joyeux, il est. N’es-tu pas d’accord?
C’est fascinant ce que tu dis à propos du chant qui prévaudrait par rapport aux paroles. Je trouve que c’est totalement exact car je pense que la voix communique des choses que les mots ne peuvent pas espérer communiquer. Cela apporte des nuances et des résonnances personnelles dans chaque individu. Même si je dis cela, je suis tout de même très fier de mes paroles et j’aime penser que des gens les écoutent.
Oui effectivement, il m’est arrivé de chanter des phrases tronquées. C’était une méthode que j’avais adoptée il y a de cela plus de dix ans maintenant. Oui, dans << Saw you in reminding pictures >>, il y a beaucoup de chants sans mots et il est vrai que je ne chante pas toujours les paroles aussi. Elles sont simplement imprimées sur le livret. Je pense que c’est un concept intéressant que celui de jouer avec cela et avec les gens, de les prendre en défaut en les désarçonnant par rapport à ce qu’ils entendent à entendre.
Donc quelle est l’importance des mots pour moi? Je tends à penser que les sensations sont plus importantes que les mots, les sensations, les sentiments derrière les mots. Quand je dis sensation, c’est la façon dont s’est chanté. Cela peut être un sanglot dans la musique. La mélodie en a besoin. Je pense que d’une certaine manière les mots sont secondaires. Ayant dit cela de cette façon, je dois ajouter que cette fonction reste très importante pour moi. Je ne pense pas que quoi que ce soit ait changé dans ma façon d’écrire. Les résultats peuvent être différents mais mon approche, mes méthodes sont toujours les mêmes, comme elles l’ont toujours été. Je fais appel à quelque chose d’innommable à travers moi. Et je suis heureux de croire en cela. Je ne moque pas de moi-même. Et je ne suis pas Ezra Pound. (rires)
J’ai toujours ressenti que les souvenirs, la sagesse rétrospective et la perspective de l’après … . J’ai toujours pensé que ceci était vue comme une réelle punition, sans aucune qualité, depuis que je suis enfant. J’ai toujours eu la nostalgie du passé. Je ne sais pas pourquoi. Je n’en ai aucune idée, c’est quelque chose dans mon psychisme. Je pense que les souvenirs seraient de fantastiques liens par-delà l’espace.
En ce qui concerne les commentaires que j’ai faits au sujet des éléments mélancoliques de ma musique, je pense que c’est élogieux, que cela sollicite vraiment les Dieux. Cela tourne autour de cela, c’est allé au-delà du contemplatif. C’est dans un lieu quelque part plus sauvage, c’est toujours une magnifique chanson triste mais elle se situe dans un lieu plus sauvage.
Oui, je suis d’accord avec toi sur ce que tu dis sur mon travail à la fin du deuxième point.
Quels sont tes influences artistiques aujourd’hui?
La musique qui a le plus d’influence aujourd’hui sur mon travail est en fait la musique anglaise << folk >>. Plus que jamais. Tout particulièrement la veine mystique que j’apprécie énormément. C.O.B. sont mes favoris pour ce genre d’atmosphère et de mélodie. Je pense qu’un tas de gens en fait se mettent à l’écoute de certains genres de << folk music >> en tant qu’une digne alternative à toutes ces musiques commerciales. Je veux dire, c’est tellement anti-mode, cela possède une justesse spéciale car c’est totalement né de quelque chose de plus vaste de plus supérieur. En fait, c’est totalement jungien, cela a à voir avec l’inconscient collectif des gens. Des choses ont été mises là et l’Art les mises en avant. C’est pourquoi c’est tellement important. Et je pense que des tas de personnes ou plutôt que certains artistes sont attirés par cela. Car il y a des secrets et des mystères là-dedans que l’on veut pénétrer.
Tu as sorti des albums dans de si nombreux labels. Ne crois-tu pas qu’il est difficile de suivre ta carrière discographique?!?
Je pense que tu veux dire difficile d’OBTENIR tout ces disques et qu’il est compliqué de suivre ce que je fais. Je réalise vraiment que j’ai opté pour une alternative viable en choisissant de travailler avec des labels comme Wor1d Serpent. Je pense que tous les inconvénients possibles valent la peine car je peux en premier lieu << polir >> mon art de la façon dont je l’entends, sans aucune pression commerciale. Cela apporte vite des figures complexes au scénario mais je pense que cela en vaut vraiment la peine.
Elizabeth S. tient une place particulière dans le monde d’Eyeless In Gaza. Dans << Photographs as memories >>, c’était elle qui était crédité pour les photographies. Qui est-elle? Et pourquoi avoir attendu autant de temps pour la laisser chanter avec toi?
Nous espérons faire un album solo avec Elizabeth. Elle a une voix fascinante et très étrange. Nous avons obtenu que ce projet se fasse. Maintenant, on peut en parler pendant des années si tu veux … ce sera vraiment un bon album. (rires)
Martyn, j’ai lu que tu avais également un projet avec Louis-Philippe pour des chansons du folklore anglais. Qu’en est-il?
Ce projet est maintenant mort et enterré. Je ne veux pas le voir se réaliser aujourd’hui. Peut-être un morceau se fera sur l’album de Philippe mais je ne l’aime pas. C’est trop baroque, avec beaucoup trop d’ornements. Ce fut une expérience. Je la regarde à présent comme elle est. Cela n’a pas marché.
Que peux-tu nous dire de ta collaboration avec Deidre Rutowski de This Mortal Coil ?
Cela va finalement sortir. Mais ce qui se passe, c’est qu’en ce moment nous n’avons que quatre morceaux qui ont été enregistré en 1988 et Deidre voudrait en faire plus. Ce qui va se faire cette année. Pete et moi avons déjà préparé la musique. Cet album va sortir. [The project has been abandoned and it will not be published. – Jerry]
Et la collaboration avec M.J. Harris pour << Murder ballads >> ?
Travailler avec lui fut vraiment passionnant. Surtout faire de la musique sombre. Nous sommes en train de préparer une seconde collaboration. Cette fois-ci, il y aura des samples de voix. Cela tournera autour du même sujet mais je pense que cela sera un projet plus intéressant. Car Mick n’a jamais travaillé avec des samples de voix avant. Ce qu’il fait est unique. Il devrait avoir tous les honneurs en tant qu’instigateur de ce genre de musique. Parce que maintenant beaucoup de gens reprennent ce style, mais Mick fut l’un des premiers à le faire. Si ce n’est le premier. Et je pense qu’il est le meilleur … le premier et le meilleur.
L’avenir d’Eyeless In Gaza?
Eyeless In Gaza pourrait et devrait continuer pour toujours tant que Peter Becker et moi jouissons d’une liaison spéciale.
CHALEUR ET SINCERITE
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